Pourquoi lire, pourquoi écrire ? Non pas pour faire le malin ou comme tout le monde, mais parce que c'est la meilleure façon de faire l'amour et des amis. Certes, le bandeau du roman-essai de Marcel Moreau, 78 ans, fait un peu peur : «Lettre à un jeune corps n'aimant pas lire et en grand danger de mort dans l'âme». On craint le pensum en défense et illustration des auteurs morts, maudissant la photo qui a tué la peinture, le cinéma et la télé qui ont tué les livres et Internet qui a tué tout le reste, assassins compris. Or le propos de Marcel Moreau est tout autre : s'il en appelle au «jeune corps» ce n'est pas pour morigéner des cadets mais pour ramener l'art à son éternelle enfance, à sa puissance d'originer l'individu. Et s'il vitupère un peu contre ceux qui ont renoncé à lire, c'est surtout pour les engager à écrire, avec «cette incroyable langue que se parlent entre eux ta tête et ton ventre» mais, écrit-il à son jeune poète putatif, dont «tu préfères ignorer qu'elle est de ton sang et de ta chair. […] alors que si tu le voulais, tu pourrais écrire avec elle ce livre de ta vraie vie qui n'attend qu'un seul mot de toi pour commander à tous les autres».
En effet, jusqu'à présent, l'être humain n'a pas trouvé mieux pour faire connaître à son prochain ce qu'il était, ce qu'il avait dans le ventre, d'une connaissance intime et immédiate, que de faire des dessins, des phrases, des pas de danse, des notes de musique. L'art, c'est n