Si ça roule, c'est le Carré. Ça roule cette fois comme une balle dans un rectangle aux règles bien établies : le tennis. Les deux personnages principaux d'Un traître à notre goût, son nouveau roman d'espionnage, jouent et regardent. C'est ainsi qu'ils se lient : à Antigua, puis, le 7 juin 2009, lors d'une finale à Roland-Garros.
Déclencheur. Ce jour-là, Roger Federer bat en trois sets Robin Söderling et gagne pour la première fois le tournoi parisien. Au deuxième set, un Catalan surnommé Jimmy Jump saute sur le Suisse pour le coiffer d'un bonnet rouge à la gloire du FC Barcelone. On ceinture le crétin, on le sort, la partie continue sous l'œil des m'as-tu-vu : «Federer, celui qui danse quand il court, qui allonge ou raccourcit ses replacements afin de forcer la balle en plein vol à lui laisser l'infinitésimale fraction de seconde dont il a besoin pour ajuster la vitesse et l'angle !» On déconseille à le Carré de finir sa vie d'écrivain dans la peau d'un reporter de tennis.
Il y a souvent dans un roman une scène dont on se dit, à tort ou à raison, qu'elle en fut le déclencheur, généralement visuel. La finale Federer-Söderling n'a lieu qu'aux deux tiers d'Un traître à notre goût, et on ignore si l'écrivain eut le solaire privilège d'y assister comme ses principaux personnages, mais tout tend vers elle : le stade fixe le cadre symbolique d'un roman où, comme souvent chez l'auteur, les règles du jeu politique sont perverties par les appé