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Libération

Combat de rue

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publié le 19 mai 2011 à 0h00

La rue Sébastien-Bottin, dans le septième arrondissement de Paris, est une voie longue d’une soixantaine de mètres avec seulement deux numéros : le 5, qui est le siège de la maison Gallimard, et le 9 où s’élève un bel immeuble d’habitation en pierre de taille (personne n’est domicilié au 1, le 3 et le 7 n’existent plus, il n’y a rien au-delà du 9, et aucun numéro pair). Vendredi dernier, afin de célébrer le centenaire du célèbre éditeur jusque dans la tôle émaillée, le conseil municipal de la capitale a formellement décidé que le segment correspondant au n°5 prendrait le nom de rue Gaston-Gallimard, tandis que la portion devant le n°9 (en impasse) resterait appelée rue Sébastien-Bottin. C’est ce que l’on appelle un hommage chirurgical. Nous proposons pour notre part que l’ensemble de la rue prenne le nom d’Alfred Jarry et que le maire de Paris soit immédiatement désigné roi sous le blaze d’Ubu II. Les habitants du n°9 refusaient de changer d’adresse comme ça, du jour au lendemain, pour un simple anniversaire ; ceux du n°5 rosissaient de plaisir à l’idée qu’on puisse un jour leur adresser du courrier chez Gallimard, rue Gallimard. Ubu II et sa cour ont fini par trancher, droit dans le bitume. Rien ne prédestinait pourtant Gaston et Sébastien à s’emplâtrer dans une querelle de voisinage. Les restes de Bottin (1764-1853) blanchissent sous une pierre calcaire au Père Lachaise, tandis que ceux de Gallimard (1881-1975) reposent sous une dalle de marbre noir au cimetière de Pressag