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Critique

Lie conjugale

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Le cahier Livres de Libédossier
Les lettres d’Althusser à sa femme, qu’il tuera
publié le 19 mai 2011 à 0h00

Un matin de juin 1971, Louis Althusser accompagne sa femme Hélène au train. Elle part en Italie et lui doit filer, parce qu'il est mal stationné, mais heureusement, «pas de PV !» lui écrit-il trois jours plus tard. La moindre pensée est relatée : «A l'heure du départ, j'ai ressenti, comme si j'y étais, le premier ébranlement des roues, puis le sentiment qu'on est engagé dans une aventure, qu'il n'y a qu'à se laisser emporter jusqu'au matin avec le silence soudain des arrêts dans les gares et cette impression extraordinaire qu'on s'occupe de vous, que le train s'occupe de vous, voyage pour vous, s'arrête pour vous, repart pour vous et vous conduit, pour vous, à bon port.» Suit le récit d'un dimanche à Roland-Garros et vient la conclusion : «V'là ton télégramme qui arrive et me dit : "tout va bien". Hip ! Hip ! Hip ! Hourrah. […] J'attends ta lettre. Je vous embrasse de toute ma tendresse, et saluez bien tout ce qu'on aime de Venise pour moi.»

Aura. D'un côté, donc, un «je» qui dit parfois «on» : c'est Louis Althusser, au sommet de sa gloire intellectuelle, qui vit et enseigne à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, là où se fabrique la philosophie française officielle depuis les débuts de la IIIe République. Avec son concept d'histoire comme «procès sans sujet», il a opéré la synthèse du marxisme encore dominant et du structuralisme en train de le concurrencer. Membre du PCF, son aura est i