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Critique

Violette Morris, hors-la-loi du genre

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Biographie de l’athlète lesbienne et collabo
publié le 26 mai 2011 à 0h00

Sportive de haut niveau, championne automobile, lesbienne portant costume masculin, scandaleuse de l'entre-deux-guerres accusée d'homicide, collaboratrice morte en avril 1944 sous les balles de la Résistance, ainsi se résume l'incroyable existence de Violette Morris. Ainsi surtout se caricature-t-elle car, quand le temps n'a pas gommé des mémoires cette femme singulière, née en 1893, il l'a réduite à l'une de ces identités. Cas extrême : elle est sous la plume de Raymond Ruffin la Diablesse (1984) puis la Hyène de la Gestapo (2004).

C’est précisément le refus de ces portraits brossés à partir d’archives à la validité peu interrogée qui motive l’étude fouillée de l’historienne Marie-Josèphe Bonnet. Elle sait d’expérience combien la réalité des femmes - et qui plus est de celles qui méprisèrent les normes - fut déformée pour correspondre aux présupposés de la société dont même les historiens ne sont pas tous exempts. Nul ne semble en effet s’être étonné de l’incongruité de ce parcours : alors que Morris affiche une telle rupture avec les codes de genre qu’elle provoque son exclusion de la Fédération des sociétés féminines sportives de France, pourtant dirigée par une féministe, oublieuse de son rôle dans l’essor du sport féminin et dans la popularisation de celui-ci, elle choisit le pétainisme, défenseur acharné de l’Eternel féminin. Comment, alors qu’elle vit avec la comédienne Yvonne de Bray, et donc est une amie proche du couple Cocteau-Marais, peut-elle se