De prime abord, ceci est un livre à propos d’Alain Badiou. Le troisième du genre en un an. Il y a eu, l’année dernière, le livre-entretien où Finkielkraut, parti combattre le fantôme de Mao, trouva un allié paradoxal dans la critique de la modernité. Puis, plus récemment, le règlement de compte de l’ex-disciple Mehdi Belhaj Kacem, fatras d’invectives où le besoin d’admirer reste aussi incompréhensible que sa transformation en besoin de haïr (1). Bernard Sichère, lui, ne part pas à l’assaut. Il raconte une histoire personnelle, secrète, qu’il assume et rejette dans le même souffle : le récit des quelques années où il fut badiousien.
D'Alain Badiou, on connaît désormais la défense de l'«hypothèse communiste», plaidoyer crâne et un peu rapide qui a éclipsé ses travaux réellement philosophiques (certains sont remarquables, comme Saint-Paul, paru en 1997). Mais le mal est fait et si Marianne et l'Express ont pu lui consacrer il y a peu des pages entières, c'est pour dénoncer le théoricien de l'action violente, le chef de bande, le diplodocus stalinien. Or, il se trouve que ce Badiou-là, Sichère l'a connu à ses tout débuts.
Sade. Philosophe, catholique, lecteur d'Heidegger - que l'on ne peut guère suspecter de crypto-marxisme -, Sichère a éprouvé et appliqué la maxime de l'après-68 : «Où que tu sois, toi aussi, fais la Révolution.» Jeune agrégé de philosophie, nommé dans un grand lycée parisien, il décide d'inscrire au programme d