Les romans de László Krasznahorkai sont des pièges. Il pleut sans discontinuer sur la grande plaine hongroise, dans Tango de Satan, et le vent souffle sur la coopérative ruinée. Un froid anormal règne sur la Mélancolie de la résistance, où la ville est recouverte de détritus. Ce sont des mondes non pas déserts, mais abandonnés, livrés au désordre. Des individus, avec un prénom et un nom, dotés d'un corps, d'un regard, d'une mémoire, voire de sentiments, se débattent dans une angoisse alimentée par la rumeur. Il va se passer quelque chose, mais quoi ? Il faudrait partir, mais où ? Beaucoup d'alcool, de violence. L'auteur met ses personnages à terre, pour commencer. Ils feront l'apprentissage de la perte alors même qu'ils se croyaient déjà en perdition. Il faut que chacun comprenne, et le lecteur aussi bien,«qu'il s'est engagé dans une partie avec des cartes truquées, une partie jouée à l'avance et qui le dépouillera de son ultime atout, l'espoir de se sentir un jour chez lui». Le sujet de Krasznahorkai, c'est la condition humaine. Tango de Satan, son premier roman, paru en 1985 (Gallimard, 2000) et plus encore la Mélancolie de la résistance (1989, traduction en 2006) sont d'imposants édifices de prose sans paragraphe. Les phrases, quand elles sont très longues, visent moins au confort d'une cadence harmonieuse qu'à l'épuisement d'une idée, d'une description. Un premier petit ouvrage, paru l'an dernier aux éditions Cambourakis, est
Critique
Tristesse de la baleine
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publié le 2 juin 2011 à 0h00
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