Il a appris à compter en gravant dans sa mémoire les chiffres 159 721 tatoués sur l’avant-bras de son père Jules survivant d’Auschwitz. Peu après son retour de camps, l’administration fiscale l’avait retrouvé pour lui faire payer les taxes impayées depuis son départ en déportation en 1943…
Né juste après la guerre avec la tragédie de la Shoah en héritage, Dominique Moïsi, spécialiste des relations internationales et conseiller spécial à l'Institut français des relations internationales (Ifri), a notamment été l'auteur de Géopolitique des émotions. Un essai où il analyse comment le temps des nationalismes et des idéologies laisse place aux revendications de reconnaissance.
Dans ce nouveau livre, et non sans avoir longtemps hésité à parler à la première personne, l'ancien disciple et ami de Raymond Aron a décidé cette fois «de se pencher sur la géopolitique de ses propres émotions». Le pari est tenu. Il raconte dans ce récit attachant ce que furent ses années de formation et sa quête identitaire, car rien n'est simple quand on a un grand-père paternel arrivé d'Iasi au fin fond de la Roumanie et une mère convertie au catholicisme dès les années 30 sans en informer la plus grande partie de la famille.
Point de fatuité dans ses pages, ni d'autocomplaisance pour narrer un destin somme toute très heureux. Dominique Moïsi souhaite avant tout par ce livre «rappeler les valeurs qui ont présidé à la construction de l'Europe de l'après-guerre pour dire ce qui la fonde