Voici un ouvrage qui lève une partie du voile sur le grand mystère du jazz : comment des types qui ne se connaissent pas arrivent-ils à jouer ensemble sans avoir répété et sans partitions ? Par quel miracle peuvent-ils produire en temps réel une musique (souvent) de qualité, juste après avoir échangé quelques mots ou signes ? La réponse semble ne relever que de la musicologie, et pourtant : le livre de Becker et Faulkner est un pur livre de sociologie.
Les deux auteurs américains, à la fois musiciens et sociologues, ont cherché à savoir, à partir d’exemples concrets, ce qu’était un «répertoire de jazz» et comment celui-ci se bâtissait peu à peu dans le parcours d’un musicien, de façon individuelle puis collective dans l’orchestre.
Reformulé ainsi, le problème a l’air plus abstrait, c’est pourtant le même. D’abord, les bases : les musiciens de jazz puisent dans un lot de quelques centaines de «standards», à savoir des airs écrits pour la plupart pour des comédies musicales des années 20 à 50, et presque tous articulés sur des grilles de trente-deux mesures (divisées en quatre parties : deux fois le thème principal, suivis d’une variante appelé «pont», puis à nouveau le thème). Ainsi les orchestres disposent-ils à la fois d’un dictionnaire - les standards - et d’une grammaire - la structure.
Le problème, toutefois, est qu’on ne connaît jamais tout un dictionnaire par cœur. Si bien qu’il y a nécessairement entre musiciens une transaction préalable pour savoir quel sera le titre su