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Libération
Critique

Dreyfusards de l’ombre

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Le cahier Livres de Libédossier
Un volet peu exploré de la célèbre affaire
publié le 23 juin 2011 à 0h00

Alfred Dreyfus eut nombre de défenseurs illustres, à commencer par les «intellectuels» qui, on le sait, naquirent dans la tourmente de cette affaire. Mais Marie Aynié n'a pas voulu se satisfaire de ce constat, ni de son corollaire, selon lequel le dreyfusisme n'aurait guère touché la France profonde. Elle est donc partie à la recherche des «amis inconnus» du capitaine injustement accusé. Elle a pour cela dépouillé les journaux à la recherche des listes de souscripteurs et de pétitionnaires, elle a fouillé les archives de police pour lire les comptes rendus de manifestations ou de meetings organisés par la Ligue des droits de l'homme. Elle a surtout dévoré les milliers de lettres envoyées par de simples particuliers à Lucie, Alfred et Mathieu Dreyfus, et à quelques grandes figures du camp révisionniste comme Joseph Reinach, Auguste Scheurer-Kestner et bien sûr Emile Zola, conservées dans les musées, bibliothèques et fonds d'archives.

Le portrait collectif qui en émane se révèle passionnant. Contrairement aux idées reçues, il y eut bien une France des petits et des humbles «convaincus du bien-fondé de la lutte dreyfusarde». Au temps le plus fort de l'affaire, entre la parution de «J'accuse» en janvier 1898 et le procès de Dreyfus à Rennes en août 1899, des milliers de Français de toutes conditions et de toutes origines prirent la plume pour dire leur indignation, critiquer les errements de l'état-major, du gouvernement, de la presse, accuser les jésui