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Libération
Interview

Eloge du «sentiment de plénitude»

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Entretien avec le philosophe canadien Charles Taylor autour des nouvelles manières d’envisager la foi
publié le 23 juin 2011 à 0h00

Professeur émérite de l'université McGill, à Montréal, québécois d'expression anglaise, Charles Taylor est l'une des figures majeures de la philosophie nord-américaine. Nourrie de philosophie analytique, de sociologie politique, d'idéalisme allemand, mais aussi de sa foi chrétienne revendiquée, son œuvre explore les questions morales de notre temps. Dans le Malaise de la modernité, il défendait «l'idéal de l'authenticité» qui est au cœur de la morale contemporaine, tout en en pointant les dérives (Cerf, 2002). L'Age séculier, son grand œuvre, est à la fois un récit de la transformation du sentiment religieux en Occident et un éloge du «sentiment de plénitude».

Pourquoi écrire une histoire de la sécularisation de l’Occident, sujet qui a déjà été l’objet de nombreux travaux ?

Longtemps, le récit dominant à obéi à un canevas simple : l’Occident aurait connu, entre 1500 et aujourd’hui, une évolution linéaire associant extension de la modernité et contraction de la religion. Evacuée de la place publique, de moins en moins pratiquée, elle était, disait-on, vouée à disparaître. Depuis, on s’est rendu compte que les choses ne se sont pas passées comme cela. Certes, la pratique a baissé, dans certaines sociétés, mais pas dans toutes, en particulier aux Etats-Unis, et, un peu partout dans le monde, on a parlé depuis trente ans du retour du religieux. Surtout, ce grand récit omet la dimension essentielle de la sécularisation de l’Occident : la spiritualité n’y a pas disparu, mais y est vécue dans des conditions très différentes. Avant, elle était imposée c