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Libération

John Cheever au petit malheur la chance

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Le cahier Livres de Libédossier
publié le 23 juin 2011 à 0h00

John Cheever est né en 1912 et mort en 1982. Il est considéré comme le chef de file de l'école dite du New Yorker, du nom du prestigieux hebdomadaire new-yorkais, dès avant la Seconde Guerre mondiale. On le voit généralement comme le chroniqueur de l'Amérique aisée de la côte Est, non pas de ses bonheurs mais de ses failles, du malheur, du vide et de la folie enfouis sous ce qui tente d'apparaître comme le bonheur, la plénitude et la raison. L'Homme de ses rêves comporte douze nouvelles des années 30 et 40, les premières qu'aient écrites John Cheever, et leurs personnages sont ce qu'on a coutume d'appeler des petites gens, des chômeurs, des serveuses, des parieurs de champs de course espérant perpétuellement se refaire. Il y a quelque chose d'inattendu, comme si on se plongeait dans un recueil retrouvé de Henry James uniquement consacré aux travailleurs clandestins. Mais John Cheever, dans l'ensemble de son œuvre, s'est après tout toujours consacré aux êtres en situation irrégulière, même si ses personnages ont moins conscience de l'anormalité de leur existence que l'auteur.

Dès ces premiers textes, la manière de raconter et d'écrire de John Cheever est là : nul naturalisme dans les récits de ces vies minuscules, son sens aristocratique de l'ellipse donne déjà aux récits cette originalité que l'intrigue seule ne suffirait pas toujours à constituer. L'émotion naît du rapport de chaque personnage à sa propre vie, comme il prend (ou non) conscience de la distan