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Critique

Balkans dira-t-on

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Comment fut perçue, à partir du XVIIIe siècle et à grand renfort de préjugés, la péninsule sous emprise ottomane
publié le 30 juin 2011 à 0h00

«Un spectre hante la culture occidentale, le spectre des Balkans»,

écrit Maria Todorova au début de son livre, devenu déjà un classique. Ce thème relève d'ordinaire plus du fantasme que des sciences sociales et l'historienne américaine s'intéresse autant, sinon plus, aux représentations qu'aux réalités. Pendant longtemps, les Balkans ne sont perçus qu'en tant que possessions ottomanes en Europe. Durablement négative, l'image des Turcs et de l'islam en général se modifie avec les Lumières, en particulier en France. Leur tolérance religieuse frappe les voyageurs, surpris de voir les chrétiens de toutes origines mais aussi les juifs disposer de leurs propres lieux de culte. C'est aussi à partir du XVIIIe siècle qu'ils commencent à observer la multiplicité des principautés chrétiennes, là où ils ne voyaient jusqu'alors que des Turcs ou des Grecs. Les Balkans sont donc «inventés» à cette époque. La conséquence en est la dégradation progressive de l'image de l'Empire ottoman.

Le consul de France à la cour d'Ali Pacha en 1805 est ainsi l'un des premiers à mobiliser le concept d'Europe pour en exclure les Ottomans, «peuple qui n'appartient en rien à l'Europe». La vision des Turcs dépend en fait largement des pays mais aussi des catégories sociales. Ainsi, en Angleterre, les préjugés des aristocrates sont en faveurs des Turcs, c'est-à-dire les maîtres, plutôt qu'à leurs sujets chrétiens perçus comme des demi-barbares. Les analogies sont d'ailleurs nombreu