Si le pouvoir soviétique rêvait d’une société sans classes, la réalité, on le sait, fut bien différente, et le sort des individus dépendit largement du régime particulier auquel ils étaient soumis. Si ce postulat ne constitue pas une surprise, les études historiques consacrées à la société soviétique sont loin d’être légion, la période stalinienne exceptée. C’est dire que le collectif mené par Tamara Kondratieva apporte du neuf en se penchant sur les situations, au vrai fort diverses, qui marquèrent le quotidien des individus.
Le fonctionnaire travaillant au Kremlin bénéficiait ainsi de thé mais pouvait, selon son grade, profiter de biscuits, gaufrettes, bonbons ou chocolats. Les détenus du goulag connurent eux aussi des sorts bien différents en raison de leur bonne ou mauvaise conduite, selon aussi qu’ils étaient politiques ou de droit commun. Les privilégiés qui œuvraient dans les villes fermées où se préparaient des projets nucléaires ou spatiaux bénéficiaient, eux, de conditions matérielles exceptionnelles qu’assombrissaient de pesantes interdictions. De même, le vol et la corruption gangrenèrent l’édifice social : les ouvriers de l’industrie automobile se servaient d’autant plus largement dans les stocks que la propriété était collective. Faut-il enfin souligner la brutalité du régime qui s’exerça notamment contre les petits ?
On pourra regretter que le tableau que dresse Tamara Kondratieva et ses coauteurs, fondé sur des monographies, n’offre pas la grande synthèse que l