Petites filles pas claires, professeurs de musique psychorigides, ambiance théâtrale et éclatée : la vie est un songe et tout geste n’est que répétition d’une vie à venir. Eleanor Catton a écrit ce premier roman à l’âge de 20 ans, et c’est époustouflant.
Comment avez-vous écrit la Répétition ?
C'est en 2006 que j'ai commencé la rédaction de ce qui est devenu la Répétition. La première incarnation du texte était un monologue de théâtre, écrit pour une amie qui est une très bonne saxophoniste et aussi une actrice talentueuse. On devait en faire une pièce en un acte que j'aurais mise en scène, mais pour diverses raisons, ma vie a changé et je n'ai jamais fini le texte. Quelques mois plus tard, j'ai décidé d'en faire une fiction, en commençant par mettre des guillemets à la première phrase et en ajoutant «dit-elle» à la fin. Après, c'était à l'aveuglette. Je n'avais pas d'idée très claire de ce qui devait se passer mais je connaissais le sujet : la performance du gender et de soi, la théorie théâtrale, le voyeurisme, la perte de l'innocence par procuration. Je n'avais aucune idée de la fin, ni de comment joindre les deux intrigues ni d'ailleurs si elles devaient se mêler. Et ce, jusqu'à la toute fin. La scène que je considère avec le recul comme la plus importante, celle où Julia et Isolde «deviennent», l'espace d'un instant par la grâce de la fiction, la prof de saxo et sa vieille amie Patsy, était la dernière que j'ai écrite ; en fait, la première ébauche que mon éditeur a lue n'incluait pa