La mémoire hante l'écriture d'Hélène Frappat. De petits livres en petits livres, elle installe une œuvre mystérieuse mais accueillante, toute de nuances et d'ambiances. Après le très cinématographique Par effraction, elle signe avec Inverno un roman en forme d'album d'images à lire et qui s'impriment pour longtemps.
La scène se passe dans le couloir étouffant d'un train de nuit. Sur l'écran des vitres sales, des images se bousculent en désordre. Elles ont l'intensité exaltante d'une sensation aussitôt transformée en souvenir. Sur fond noir de la nuit, les images défilent en couleur. «Un chemisier Cacharel en tissu liberty, dont les pointes amidonnées du col semblent deux lames prêtes à trancher les fleurs mauves du coton.» Les images possèdent la force banale et déchirante des clichés, la puissance d'envoûtement des histoires qu'on raconte pour ne pas dormir : histoires d'amour et d'amitié, de jalousie et de meurtre, une chanson entendue mille fois mais dont les premières notes, diffusées par la radio à l'improviste, contraignent le temps à ralentir.
«J’ai écrit Inverno sous la dictée de ces images qui me hantent. Les phrases se sont enchaînées au rythme hypnotique du train. Derrière les vitres, l’averse frappe comme un cœur inquiet bat trop vite. Dans la déflagration des tunnels, les lambeaux d’une enfance engloutie, d’une jalousie meurtrière, d’un amour défunt, resurgissent par flashes. On croirait l’éclat aveuglant des premiers clichés photogr