Il est presque 20 heures, la pénombre monte sur Banon, «village perché à 39 km au nord-ouest de Manosque», signalent les guides de Haute-Provence. Au sommet de la rue Saint-Just qui plonge dans la vallée, une bâtisse avance en saillie sur une placette en pente. Une jeune fille sort sur le balcon du premier étage encore éclairé par le couchant. Ferme les volets. En bas, une femme hésite devant un tourniquet de cartes postales. Un jeune homme prend une photo : persiennes lavande, crépi jaune, deux fleurs géantes s'épanouissent sur la façade où on lit «Le Bleuet». A droite du seuil, un totem de livres en bois confirme l'inscription «Librairie». Vue du Café de France, en face, la boutique joue très bien la Provence éternelle. Le cliché est parfait. Mais ce n'est pas pour cette raison qu'Iris en a fait une carte postale dont le Bleuet vend, chaque année, quelques milliers d'unités.
Dans la boutique où s'attardent une dame et ses deux gosses qui s'impatientent («Maman, tu as déjà pris trente-quatre livres, on en a marre !»), c'est l'heure de la caisse. Joël Gattefossé, le propriétaire, listing de la journée sous le bras, relève : «1 004 livres vendus» ; 1 004, un lundi à Banon qui compte 1 104 habitants. Le village s'est fait un nom avec son chèvre mûri dans sa feuille de châtaignier nouée au raphia ; sa Brindille Melchio (une saucisse fine qui se mange au mètre) et Giono qui y a installé l'Homme qui plantait les arbres. Mais on vient du Luberon