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Martha Nussbaum défend la démocratie à travers les «humanités»
publié le 1er septembre 2011 à 0h00

Seuls quelques modèles théoriques anciens donnent à l'Etat la fonction unique d'assurer la croissance économique. A les suivre, on pouvait ainsi assigner à l'Afrique du Sud d'excellents indices de développement alors que le pays vivait sous le régime de l'apartheid, ou attribuer à la Chine un «succès étonnant» en dépit du manque de libertés politiques. C'est que la «croissance» n'est pas une fin en soi, mais un moyen au service de fins humaines. Connaîtrait-elle la prospérité, une société ne serait pas «vivable» si elle n'était pas démocratique, ou si elle sacrifiait tout ce dont les hommes ont besoin (ressources, santé, liberté, absence de sentiment d'injustice, estime de soi, connaissances, réseaux d'amitié, amour, etc.) pour se donner les conditions d'une existence décente et, sans nuire à celle des autres, se construire une vie selon leurs capacités, leurs mérites, leurs idéaux ou leurs souhaits.

Marché. Cependant, lorsque la «crise» s'installe et devient mondiale, l'ancien modèle se ravive, et la politique, cédant à la finance, se concentre exclusivement sur les moyens de relance de l'économie et des profits. Elle efface de son agenda tout autre programme concernant la protection des postes de travail, les libertés publiques, la répartition moins inégalitaire des biens, l'essor de la culture, la promotion de valeurs aptes à faire «reconnaître ses concitoyens comme des personnes dotées de droits égaux, aussi différents qu'ils puissent être p