«Il n'y a pas de rapport sexuel» fut le leitmotiv mystérieux de Jacques Lacan au début des années 70. C'était le temps de la libération sexuelle et Lacan n'était pas mécontent de la stupeur provoquée par son énoncé : «Ça paraît comme ça un peu zinzin, un peu effloupi. Il suffirait de baiser un bon coup pour me démontrer le contraire.» Aujourd'hui, alors que la libération est devenue excitation et même addiction, la formule était une mise en garde préventive : faire de la jouissance la solution de tous nos problèmes, c'est se vouer à la déception perpétuelle.
Lacan est mort en septembre 1981. Pour le trentième anniversaire de sa disparition, les éditions du Seuil publient le séminaire de l'année 1971-1972 (au titre caricaturalement lacanien : ou pire ), un opuscule reprenant deux conférences données cette année-là à l'hôpital Sainte-Anne, et un essai d'Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse et auteur de la biographie de référence de Lacan. Trois façons de revenir, ou de venir, à une œuvre dont la difficulté reflète surtout la folle ambition : mettre à nu les pulsions telles qu'elles habitent le monde moderne.
…ou pire parle de la jouissance. En soi, la jouissance sexuelle n'est pas grand-chose : «C'est une production locale, accidentelle, organique, et très exactement centrée sur ce qu'il en est de l'organe mâle, ce qui est particulièrement grotesque.» La jouissance relève du réel, catégorie qui, chez Lacan, s'oppose au