En 2006, rapporte Frédéric Rouvillois dans sa saga des best-sellers des origines à nos jours, un sondage publié par Livres Hebdo montrait que parmi les motivations d'achat, «le fait qu'un ouvrage figure parmi les meilleures ventes serait décisif pour 32% des personnes interrogées». C'est un phénomène connu et exploité depuis les débuts de l'industrialisation de l'édition, explique l'auteur. La longue histoire des records fantaisistes et des tirages miraculeux trouve là son origine. En 1852, l'éditeur de la Case de l'oncle Tom, John Jewett, achète des encarts dans la presse où il détaille, semaine après semaine, en les exagérant, les scores du roman de Harriet Beecher-Stowe : 305 000 exemplaires vendus aux Etats-Unis, annonce-t-il un an après la sortie du livre. En fait, ce score n'est atteint qu'en 1858.
La Case de l'oncle Tom appartient aux contes de fées que sont, parfois, les best-sellers. Personne avant Jewett n'avait voulu éditer «cette bluette didactique rédigée par une inconnue». Le mari de Harriet Beecher-Stowe espère bien pouvoir acheter une robe en soie à sa femme une fois le manuscrit vendu. Mais c'est plutôt elle qui peut lui offrir des costumes avec son triomphe mondial : 75 éditions rien que pour l'Allemagne, par exemple, et traduction en une quarantaine de langues : «record inégalé à l'époque». Cela ne veut pas dire que la circulation des succès de librairie naît au XIXe siècle. Don Quichotte