Les fictions viennent d’ailleurs, mais c’est ici qu’elles vivent. Dans les Amants du Spoutnik, un livre de Murakami vieux de onze ans, le narrateur dit à une jeune femme sauvage, elles le sont toutes chez l’écrivain, de vraies renardes libertaires et rusées qui sont apprivoisées par la subtile ingénuité du récit : «Les fictions ne sont pas de ce monde. Pour relier une histoire à notre monde à nous, il faut une cérémonie magique, un baptême.» Ce pourrait être l’exergue de n’importe quel roman de Murakami, et en particulier de celui-ci, 1Q84.
Le titre bizarre fait allusion à 1984, le roman de George Orwell. En 1Q84, monde parallèle à 1984, il y a des êtres envoûtés, non par Big Brother, mais par une secte que contrôlent les «Little People». Murakami a travaillé sur la secte Aum, interrogé ses membres. Le roman pense, avec un certain didactisme, la dérive de groupes que leur désir de contre-culture et de pureté finit par conduire à l'enfermement magique et à la violence. Les Little People sont des esprits puissants et malfaisants révélés par la secte. Ils rappellent ceux qu'on trouve dans un texte médiéval japonais, le Dit du Genji (disponible chez Verdier). Dans un autre roman, un personnage de Murakami les a définis : «A l'ère Heian, ou en tout cas dans le monde mental de cette époque, les gens pouvaient se transformer dans certains cas en esprits vivants. Ils avaient le pouvoir de se déplacer dans l'espace et d'accomplir ce qu'ils s