«Ames yeux, le romancier idéal, c'est Dieu le Père, et les romanciers sont des monstres qui, souffrant, soufflant, se contorsionnant, se gonflant, suant des heures, des jours, des mois durant pour se mettre en transe, s'efforcent à leur tour de créer un monde, au risque d'éclater eux-mêmes, et de le porter à bout de bras.» Simenon n'était sûrement pas Dieu le Père, lui qui, à la question «Pourquoi écrivez-vous ?», répondait avec une certaine humilité : «Parce que j'ai dès mon enfance éprouvé le besoin de m'exprimer et que je ressens un malaise quand je ne le fais pas.» Et pourtant, cet homme qui ne toléra jamais d'être traité d'«homme de lettres», céda à plusieurs reprises «au désir enfantin» de s'expliquer sur le roman, de livrer, comme un artisan, quelques secrets et surtout quelques intuitions.
Il y avait eu l'ère de la tragédie, puis celle du poète. Pour Simenon, on est désormais dans l'«âge du roman», peut-être même du «roman pur». Sans avoir atteint le «moment-pointe que l'on reconnaît à la rigueur des disciplines», le roman moderne a condamné des procédés employés par Balzac ou Chateaubriand : interdites les digressions, estime Simenon, interdites les actions parallèles et enchevêtrées, les confidences au lecteur.
«Je prétends, écrit-il en 1943 dans Confluences, à tort ou à raison, que le roman se purifie.» Fini le roman psychologique, philosophique, «tranche de vie»,<