Contrairement à Claude Lévi-Strauss, Patrick Deville aime les voyages et les explorateurs. Il a 53 ans, 9 livres dont 5 romans, il y va et il ne hait point. Cependant, son dilemme ressemble à celui de l'auteur de Tristes Tropiques quand celui-ci écrit : «En fin de compte, je suis prisonnier d'une alternative : tantôt voyageur ancien, confronté à un prodigieux spectacle dont tout ou presque lui échappait - pire encore, inspirait raillerie ou dégoût ; tantôt voyageur moderne, courant après les vestiges d'une réalité disparue.» Deville résout la question par la vitesse, la multiplication des faits, les confrontations éclairs entre l'actualité et l'histoire, les paysages et les portraits, les rencontres et les souvenirs. Il devient sobre par excès d'informations. C'est du zapping à l'enchantement refroidi.
Fantôme.Kampuchéa poursuit la «petite entreprise braudelienne» en cours depuis trois livres, une exploration de l’aventure et des ex-territoires coloniaux : que s’est-il passé ? Que sont-ils devenus ? Qu’ont pu voir les premiers voyageurs ? Que peut-on voir aujourd’hui ? Pura Vida arpentait l’Amérique latine ; Equatoria, l’Afrique équatoriale. Kampuchéa arpente l’Indochine. Le projet est résumé page 143 : «J’aimerais mettre en perspective le procès des Khmers rouges dans une durée moyenne, sur un siècle et demi, depuis que Mouhot, courant derrière un papillon, a levé les yeux, découvert les temples d’Angkor.»
Mouhot est l'explorate