New York, 1977. Un poète voyou de 34 ans, «un Russe de plus» exilé, regarde la neige tomber depuis la fenêtre de sa chambre d'hôtel minable. Sa femme l'a quitté. Il n'est pas encore «le commandant-camarade Limonov», mais c'est ainsi qu'il se traite déjà, parfois, en son for intérieur, sûr de son destin malgré les apparences. L'avenir lui donnera raison, il sera chef de parti dans la Russie de Poutine. Ces années-là, il ne songe pas aux élections. «Vous aimez l'expression "guerre civile" ? Moi, beaucoup.» Edouard Limonov, Eddie, Editchka, a atterri dans le ruisseau. Il n'a pas un sou et chante sa pauvreté avec une juvénilité rimbaldienne : «J'aime être pauvre», écrit-il dans Journal d'un raté. «Et j'aime ma quiète tristesse à ce sujet. Et mon mouchoir blanc dans la poche.»
Cacatoès. Les proses poétiques de Journal d'un raté (1982) racontent comment il survit en attendant que soit publié le «livre de passion furieuse» consacré à ses splendides échecs américains. Jean-Jacques Pauvert en trouvera le titre français : le Poète russe préfère les grands nègres. Autre réédition, Discours d'une grande gueule coiffée d'une casquette de prolo regroupe plusieurs textes. Limonov dandy se promène en costume blanc dans le Bronx. Il prend la pose de Byron quand il est «seul et saoul» dans les cocktails, arbore une veste noire avec un cacatoès rose dans le dos pour les Journées d