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Libération
Interview

La généalogie d’une «relique shakespearienne»

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Roger Chartier sur les traces de «Cardenio», pièce perdue née chez Cervantès
publié le 8 septembre 2011 à 0h00

Dans son merveilleux Inscrire et effacer de 2005, Roger Chartier s'était déjà frotté à Don Quichotte, ouvrage majeur pour l'histoire de la littérature comme pour celle du livre et de la lecture. Toutes choses que tente toujours de penser ensemble cet historien curieux et scrupuleux, autrement plus à l'aise avec ses amis sociologues qu'avec les souvent barbants gardiens du temple littéraire. Cette fois il déploie une érudition communicative pour entraîner son lecteur dans une éblouissante enquête sur une pièce disparue de Shakespeare, ce Cardenio en forme de remix d'une des sous-histoires les plus fameuses du Quichotte de Cervantès. L'occasion, en rapprochant et désacralisant deux monstres de la littérature mondiale, de remettre sur le métier de l'historien le moment de bascule du régime de production et de réception des œuvres.

Qui a inventé Cardenio ?

Il y a plusieurs moments d'invention. En partant du plus contemporain, on pourrait répondre : tous les metteurs en scène fascinés par l'idée qu'une pièce de Shakespeare titrée Cardenio ait pu être perdue et qui, depuis une douzaine d'années, tentent par différents moyens de la restituer sur scène. Comme en ce moment à Stratford-upon-Avon, où pour la réouverture du Swan Theater, on propose une mise en scène de cette pièce manquante dont on ne sait pas grand-chose, simplement qu'elle a été jouée deux fois à la cour d'Angleterre dans l'hiver 1612-1613 et qu'aucun texte n'en a été imprimé ni même conservé. A par