Robert Menasse est actuellement en train d'écrire un nouveau roman dans sa «petite maison de campagne, exactement à mi-chemin entre Vienne et Prague».
Quels sont vos sentiments envers l’amour ?
L’amour est depuis la nuit des temps une aspiration des hommes, mais tel qu’il fonctionne aujourd’hui, c’est une invention de la modernité. Comme voler. Dans l’Antiquité, les hommes ont cru qu’il suffisait de se coller des plumes avec de la cire et de battre avec les bras comme un oiseau - mais on se rapproche du soleil, la colle fond, les ailes se détachent et c’est la chute. Et c’est resté très longtemps ainsi. L’idée d’utiliser des ailes fixes et des tonnes de métal n’a pu émerger qu’à l’époque moderne. Un homme normal ne comprend pas. Mais ça fonctionne. Et c’est pareil pour l’amour. Ce n’est que depuis que les spécialistes s’en sont emparés que l’idée de l’amour fonctionne pour les masses. Avec des tonnes de métal et des ailes fixes. Rien à voir avec l’idée que les hommes s’en faisaient à l’origine.
Quel est votre lien avec la maturité, comme homme et comme écrivain ?
J’ai toujours refusé de devenir adulte. Ce qui a considérablement compliqué ma vie amoureuse, mais facilité ma vie artistique. Mais ce n’est peut-être pas comme ça que ça s’est passé : peut-être que je n’ai rien refusé du tout et que je n’ai tout simplement pas réussi à devenir adulte. J’étais par conséquent incapable d’avoir un vrai métier. A la longue, ce genre de comportement devient ridicule. Il y a peu de choses qui frisent autant le ridicule qu’un éternel étudiant. Un jeune qui ne peut pas, ou ne veut pas, devenir