C’est fini. Elle sort de l’hôtel toujours vide où elle a donné rendez-vous. Dans la cour déserte, elle a beaucoup fumé de ces cigarettes dont la finesse boursoufle plus encore des lèvres assombries par le silence. Elle a parlé avec un laconisme précis et lent. Elle était concise jusqu’à la disparition des questions et à l’affirmation d’une solitude impossible à dénoyauter.
On l’a laissée partir assez vite. Pourquoi rajouter de la parole et de l’attente à une distance carapaçonnée de certitude ? On sort après elle. Et, on suit du regard sa silhouette menue, vêtue de noir, qui va à petit pas au cœur d’une rue ensoleillée. Elle marche doucement, comme on revient à l’essentiel.
Elle ne fourrage pas dans ses poches pour retrouver la liste des fournitures de rentrée. Elle n’a pas dans son cabas une tablette de chocolat dont la marmaille, fruit de ses entrailles, se tartinera le gras des joues en éventail. Elle n’a nul besoin d’enfant à ses côtés.
Elle passe devant les bars à tapas et les bodegas à happy hours qui régalent les gueulards du rugby et les soiffards turpides, au cœur de l'ancien quartier des éditeurs. Elle rentre retrouver les livres qu'elle écrit et ceux qu'elle lit. Et pas un instant on ne met en doute le fait que sa vie lui convient ainsi, qu'il ne lui manque rien d'important et qu'une maternité n'aurait fait que l'encombrer, la banaliser, l'éloigner d'elle-même.
Linda Lê est une auteure cruelle et grandiose, qui fait imprécations de ses douleurs, et emphysème