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Libération
Critique

Du cœur à l’ouvrage

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Le cahier Livres de Libédossier
A partir d’aujourd’hui, Strasbourg organise des rencontres autour d’écrivains, des livres qu’ils aiment et de leur rapport à l’écrit. «Libération» leur a ouvert ses pages.
publié le 16 septembre 2011 à 0h00

La bibliothèque idéale, comme son nom l'indique, n'existe pas. Aucune occurrence, autrement qu'en idée. Sur le bout de la pensée, constituée des livres lus, des livres rejetés (penser à faire un rayon spécial, le plus pur, des navets qu'on n'a pas gardés) et de ceux qui restent à lire, liste chaque jour allongée. Bibliothèque idéale, bibliothèque inachevée. Où il n'y a que les livres qu'on n'a pas. Peut-être la bibliothèque idéale se constitue-t-elle aussi des livres que chacun de nous n'a pas écrits. Car lire, c'est ressentir une jouissance à l'écriture de l'autre, c'est toucher dans sa phrase le geste que nous n'avons pas matérialisé. «Pourquoi lisez-vous ? a-t-on envie de renverser. - Pour ne pas écrire.»

Evidemment, les écrivains, eux, réussissent à faire les deux, ce qui en fait des humains étranges, en colloque permanent les uns avec les autres, par-delà l'espace et le temps. Le cas d'Hélène Cixous est à cet égard exemplaire. Ecrivain-livre qui revendique pour toute biographie une «biobibliographie», elle vient à Strasbourg avec cette affirmation : «Le Livre, veilleur de nuit est mon grand Venant.» Des livres, Cixous en a pourtant beaucoup écrit, et de sublimes. Mais ils sont tous, d'une certaine façon, des épisodes du «Livre que je n'écris pas». Avec Revirements, elle poursuit ce texte infini, texte d'éternité qui est aussi bouclier contre la mort de la mère, Eve, son héroïne depuis plusieurs années, centenaire - et