Un ange noir commence par une dépêche du Progrès de Lyon, avec une jeune femme morte dans sa baignoire, et du sang sur des canards-flotteurs, signe de pas trop de sérieux, ou d'infantilisme généralisé du monde. Puisque le héros, Alexandre Petit, souffre d'un déficit de réalité assez pointu qui le pousse aux jupes de sa mère et à nier la vie des autres.
«Dire les choses et tout s'arrange» est sa première phrase. Pour les écrivains, c'est sûr, pour les personnages, un peu moins. Sauf si le narrateur est aussi une sorte d'écriveur. Petit bourgeois lyonnais éduqué, Alexandre Petit a raté l'agrégation de lettres modernes, né d'une mère «lugubre» qu'il décrit en hystérique classique : «Déjà tout petit, elle utilisait ce genre de formules magiques de bonnes femmes, "il a le teint pâle", pour m'envoûter, me faire payer ses douleurs au pelvis.» Rien d'étonnant donc à ce que Petit soit un peu puceau à 37 ans et qu'il matérialise son quant-à-soi par une curieuse manie stylistique : il n'utilise jamais le «pas» dans la négation, méprisant volontiers le parler naturel.
On le prend d'abord pour le meurtrier d'Elsa, la jeune victime. Mais le Progrès nous apprend assez vite qu'il est innocenté. Il reste un mystère : s'il n'a rien à voir avec l'affaire, qu'est-ce que Petit fiche en cavale, disparu du domicile maternel, errant de planques en hôtel ? Il cherche l'assassin, bien que les méandres de son cerveau et de son discours laiss