Comme une petite fille décapite ses Barbies, Laura Kasischke adore martyriser ses héroïnes. La lolita sacrifiée s'appelle ici Nicole, très blonde, très saine, et elle ne passe même pas le prologue. Accident de voiture, le petit copain qui conduisait peine à s'en remettre. Ils formaient le couple le plus populaire de l'université : lui cynique gosse de riches, elle ravissante provinciale en passe d'intégrer une sororité prônant la chasteté. De retour sur le campus, le garçon se repasse le film en boucle. Si bien qu'il croit apercevoir la défunte partout. On pourrait parler d'hallucinations post-trauma, si son colocataire, comme d'autres, n'avait aussi croisé Nicole. Le cas intéresse une anthropologue spécialisée dans les représentations de la mort. Tandis qu'une autre universitaire, unique témoin de l'accident, se laisse draguer par une étudiante, copine de la victime, à grand renfort de cafés Starbucks. Nous sommes dans un livre choral, les trajectoires se rejoindront. Nicole règne sur l'ensemble à la manière d'une Laura Palmer, bouc émissaire ou brebis perdue, victime, bourreau. Elle n'existe pas en elle-même, c'est «LA jeune fille américaine», créature folklorique et parfait fantôme de campus.
Du campus, d'ailleurs, on ne sortira pas, ou seulement à la faveur de flash-back. Kasischke raconte un épisode du passé, une anecdote, du presque rien qui change tout, expliquant pourquoi ces gens sont ce qu'ils sont. Par exemple ce retour sur les 14 ans de l'anthropologue,