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Critique

Perdre la tête par temps de révolution

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Laure Murat explore les relations entre troubles politiques et folie au XIXe siècle
publié le 22 septembre 2011 à 0h00

«Jamais il n'y eut autant de maladies mentales qu'après l'orage de la Révolution», écrit Michelet dans Ma jeunesse : «La vie nerveuse semblait atteinte dans ses sources mêmes.» L'idée d'une relation directe entre les désordres de la vie publique et ceux de l'esprit trouble le XIXe siècle. Dès 1816, le Dr Esquirol estime que les «malheurs politiques» du pays conditionnent ses délires. Dix ans plus tard, son collègue Félix Voisin explique comment «les commotions politiques produisent les maladies mentales». C'est cette relation singulière entre l'histoire et la folie, entre le politique et le pathologique qu'explore le livre de Laure Murat, archives des asiles de la Seine à l'appui.

Rationalisation. La Révolution constitue un évident point de départ. L'aliénisme moderne y trouve sa source, tant sur le plan de l'organisation que sur celui des pratiques médicales. A Bicêtre à compter de 1793, puis à la Salpêtrière où il officie vingt-cinq ans, Philippe Pinel s'efforce de rationaliser le traitement de la folie, qu'il considère comme une altération curable de la raison.

Mais la Révolution est en elle- même porteuse d'anxiétés psychiques : à l'ordre stable de l'Ancien Régime, elle substitue un monde où l'individu est promu sujet politique et social, acteur de son propre destin. On perçoit qu'un tel bouleversement, lié au choc de la Terreur, ait pu susciter des dérèglements. Pour Pinel, un quart des internés de