Il faut de l'audace pour publier en 2011, après les textes de Gilles Deleuze (1), de Michel Leiris (2), de Philippe Sollers (3), de David Sylvester (4), et les multiples entretiens donnés par l'artiste, un livre sur celui qui a inspiré et soumis tant d'éminentes bouilloires cérébrales : Francis Bacon. Il en avait fallu àson auteur, Jonathan Littell, pour publier en 2006 les Bienveillantes. L'entreprise, soldée par un Goncourt, lui a plutôt réussi. Beaucoup se demandaient alors quel était ce primoécrivant, ce gamin sans âge de 38 ans, qui osait traiter comme un roman l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et du génocide des Juifs. Littell le faisait du point de vue d'un nazi imaginaire, Max Aue, Zelig du mal ayant tout lu, tout vu, tout croisé, tout fait, du massacre à l'inceste, tout en lisant, comme l'auteur, Blanchot.
Il est aussi question de Blanchot dans Triptyque. Bacon, écrit Littell, «savait sans doute avant même de commencer à peindre qu'un cadavre, comme dit Blanchot, c'est déjà une image. Et c'est pourquoi, pour Bacon en pratique […], le médium, qui figure par sa présence l'absence de ce qui est représenté - tout comme le cadavre figure l'absence du mort - a tant d'importance.» Le médium, c'est la peinture à l'huile, cette vieille technique : «Francis Bacon passera sa vie à peindre des corps, à tenter de saisir les sensations les plus secrètes des corps humains, de représenter précisément ce que ça fait d'habiter précisément ce corps