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Libération
Interview

«Dans cette fissure j’installe une ville»

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Entretien avec Pascal Quignard
publié le 13 octobre 2011 à 0h00

Tout à son Dernier Royaume, monumental projet qui l'occupe depuis presque dix ans et dont il distille les volumes ciselés - les trois premiers lui ayant valu le Goncourt -, Pascal Quignard espace les romans. En voici un nouveau, les Solidarités mystérieuses, qui six ans après Villa Amalia hanteront longtemps après son lecteur. Composé autour de la figure solaire de Claire, c'est un livre en couleurs, d'une lumière pure d'après la nuit. Un livre de printemps post-nucléaire. Pascal Quignard évoque sa genèse.

Comment revient-on au roman ?

Ce roman a jailli d’un stock d’images, comme toujours. Et là, c’est Fukushima l’élément déclencheur. C’est la nature qu’on trouve derrière ce livre. L’espèce humaine mauvaise gardienne de la nature, et la nature elle-même seule gardienne possible finalement contre l’espèce humaine. C’est un thème très oriental. Je travaillais avec la chorégraphe Carlotta Ikeda pour un buto lorsque la vague a déferlé. Cela n’a pas vraiment déclenché une crise shintoïste ou taoïste en moi, mais j’étais très effrayé par ce qui apparaissait comme une sorte d’écho à Hiroshima. Le buto est né dans les années 60 en réaction à Hiroshima. C’est à peine dansé, il s’agit de sortir du sol tout nu couvert de poussière pour essayer de renaître. Moi, je viens d’une ville, Le Havre, complètement rasée. J’ai été élevé par une jeune fille qui venait de Cologne, autre ville totalement ruinée. Après Fukushima, le roman s’est imposé à moi comme une sorte d’irradiation de lumière, l’id