Menu
Libération
Critique

Feu l’amour

Article réservé aux abonnés
Le cahier Livres de Libédossier
Joyce Carol Oates a tenu la chronique de son veuvage
publié le 20 octobre 2011 à 0h00

C’était un dimanche soir de 1960, dans une réunion d’étudiants à l’université du Wisconsin. Il avait traversé la pièce pour venir s’asseoir à côté d’elle. Elle s’était dit que «c’était quelque chose - quelqu’un - d’exceptionnel… Peut-être.» Elle était en master d’anglais, lui en doctorat. Raymond Smith, Joyce Carol Oates. Ils dînèrent ensemble ce soir-là, se marièrent trois mois plus tard. Il devint éditeur, elle écrivain. Ils vécurent ensemble pendant quarante-sept ans et vingt-cinq jours. Jusqu’au coup de téléphone, celui qui sonne très tard et qui vous annonce que «votre mari est dans un état critique». Elle se rend à l’hôpital dont, guéri d’une pneumonie, Ray devait sortir le soir même. Elle arrive à 1 h 08, dix-huit minutes trop tard. Il est mort d’une infection nosocomiale, seul. Un dimanche, en 2008.

Renversé. J'ai réussi à rester en vie est un récit de veuvage, comme l'était l'Année de la pensée magique, de Joan Didion (Grasset, 2007). C'est aussi, pourrait-on dire, un manuel à l'attention de la veuve, un précis. La première chose à savoir est la suivante : «Ne croyez pas que le chagrin est pur, solennel, austère et "élevé"- ce n'est pas le Requiem de Mozart.» Le conseil vaut également pour le lecteur qui, connaissant Oates pour sa fiction, ouvrira peut-être le livre par goût du mélodrame, curieux comme on peut l'être face à un accident de la route, avec le désir d'être renversé, lui aussi. Arrêtons là : s'il y a bie