Menu
Libération
Critique

Sur le fil de Couto

Article réservé aux abonnés
Un enfant né pour se taire, qui conjure la guerre au Mozambique. «L’Accordeur de silences», ou l’art du récit par la poésie
publié le 20 octobre 2011 à 0h00

Les vies qu'on a ne sont pas vraiment vécues, pas comme on les raconte. On y meurt et on y renaît souvent et parallèlement. Ce sont des vaisseaux fantômes, Mia Couto écrit sur le pont. Charron tendre, il ne cesse de traverser le Styx dans un sens et dans l'autre. A bord, les passagers disent leurs plaintes, leurs merveilles. La langue flotte dans cette zone où l'existence vit par la brume, le silence, les voix. Face à ceux qui ignorent son portugais volant, triant vite fait les vivants et les morts, les veilles et les rêves, la mémoire et l'oubli, les récits et les poésies, l'écrivain peut répondre ce que dit son père à l'enfant qui, dans l'Accordeur de silences, nous conte l'exil et la refondation de leur famille : «Si on te menace de coups, réponds par une histoire.»

Brousse. Au Mozambique, Mia Couto répond par des histoires aux coups d'une guerre civile qui saigna le pays de 1976 à 1992, pendant laquelle il a eu 20 ans, et que beaucoup préfèrent oublier comme si elle n'avait pas eu lieu. Ces histoires sont portées par des voix d'enfants, de femmes, de revenants. Pedro Paramo, du Mexicain Juan Rulfo, l'a influencé :«Plus tard, dit-il, quand j'ai lu García Márquez, je me suis dit qu'il venait du précédent.» La voix première, cette fois, est celle de l'un des deux fils de Silvestre Vitalicio, Mwanito. Après le suicide de sa femme, Dordalma, Vitalicio a fui la ville et s'est installé dans la brousse avec eux, là où la guerre