On allait enfin savoir comment durent si longtemps les couples américains, ceux qui suivent des conseils sur HBO pour s'épanouir en continu, désirer après soixante ans de mariage et dix heures de boulot par jour. Crumb étant le plus obsédé sexuel des dessinateurs de la galaxie, un livre co-écrit avec sa femme, ça allait donner. Au moins un truc du niveau de Luc Moullet et Antonietta Pizzorno dans Anatomie d'un rapport.
Las ! D’une part Aline Kominski et Robert Crumb ne travaillent pas dix heures par jour et en plus ils sont fous, ce qui les place d’emblée en position de force pour se grimper dessus et aux rideaux toute la journée.
Plume. Ils se rencontrent en 1974 et, immédiatement, se mettent à dessiner leur vie ensemble, à côté de leur production personnelle. Les rôles sont distribués : elle en «JAP» (Jewish American Princess) un peu costaude, directive et sportive, lui en gringalet échalas, limite homo. Crumb aime monter sur le dos d'Aline, qui le porte comme une plume. Variante : il lui saute dans les bras tel une jeune mariée. Parfois, il aime mieux écraser la tête d'Aline contre le tapis et lui donner des coups de poing dans le fion, mais elle avoue aimer ça. Ils ont une fille, Sophie, qui s'en prend plein la gueule : «J'aurais dû me ligaturer les trompes.»
Aline se dessine toujours comme les femmes de Fernand Léger, cubiste et plate, glissant dans l'univers rebondi et hachuré de Robert, qu'elle caricature en oie. Il lui rend bi