En Sibérie, le tigre se conjugue au féminin. Ça ne le rend ni moins puissant ni moins solitaire. Il est à la région du fleuve Amour ce que le requin blanc est à l’océan : une présence dont la perfection mesure et juge l’homme qui la côtoie. Quatre cents tigres ont survécu à l’effondrement de l’URSS - qui a provoqué misère et braconnage -, aux «nouveaux Russes» chassant avec d’excellents fusils à lunettes, à l’implacable gloutonnerie des Chinois, qui raffolent de leurs prétendues vertus aphrodisiaques. Le tigre est le fléau d’une balance que l’homme a déséquilibrée.
Roi menacé. Celui dont il est question dans le livre de John Vaillant, journaliste américain résidant au Canada, vivait dans le Primorié, au nord de Vladivostok. Le Primorié est un jardin extraordinaire, impitoyable et enchanté, une «jungle boréale» où les tropiques cohabitent avec l'Arctique :«Nulle part ailleurs le glouton, l'ours brun et l'élan ne peuvent boire au même cours d'eau que la panthère, dans un bassin où cohabitent arbres au liège de l'Amour, bambous et ifs solitaires. Dans ce paysage, les ours noirs de l'Himalaya bâtissent dans des arbres à baie des plateformes de fortune qui semblent trop fragiles pour supporter leur poids, des fleurs de pavots dodelinent sous le soleil et le ginseng garde ses secrets dans la pénombre.»Au cœur et au sommet de cet univers, le tigre règne comme un roi menacé. Sa vie, épuisante, se passe à chasser.
En décembre 1997, l'un d'eux guette p