Il se disait que Gallimard ne manquerait pas de remporter le prix Goncourt cette année, centenaire de la maison oblige. C'est fait : cinq voix à Alexis Jenni pour l'Art français de la guerre, contre trois à Carole Martinez pour Du domaine des murmures, publié aussi chez Gallimard. Les deux autres romanciers restés en lice ne reçoivent pas le moindre suffrage : ni Lyonel Trouillot, dont la Belle Amour humaine (Actes Sud) faisait un outsider idéal ; ni Sorj Chalandon, écurie Grasset, lauréat du Grand Prix de l'Académie française avec Retour à Killybegs. On notera qu'ils n'étaient que huit jurés à voter hier. Jorge Semprún est mort en juin. Françoise Mallet-Joris a démissionné pour raison de santé.
Symptôme.L'Art français de la guerre est un ouvrage épais et de grand format, le premier roman publié d'un agrégé de biologie, enseignant à Lyon, qui écrivait depuis longtemps mais n'avait jamais convaincu un éditeur. Ce texte-là lui a ouvert les portes de la réussite encore plus grand qu'il ne le pensait. Son succès au Goncourt rappelle d'autant plus celui de Jonathan Littell en 2006 que les Bienveillantes était aussi un premier roman, également édité, au sein de Gallimard, par Richard Millet. Les deux œuvres ont une ambition commune : confronter la littérature avec les grands traumatismes du XXe siècle. Mais ils n'opèrent pas sur le même terrain. Les Bienveillantes se prêtait à la polémique, à