«Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous» : la fameuse phrase de Kafka vient nécessairement à l'esprit à la lecture de Derrière le mur de briques, recueil de sept nouvelles de Tibor Déry datant de 1950 à 1960. Né en en 1894 et mort en 1977, l'écrivain hongrois fut d'abord emprisonné par un régime de droite, puis sous le communisme pour sa participation à l'insurrection de Budapest en 1956 (il fut libéré en 1960 grâce à une campagne internationale où intervinrent Albert Camus et François Mauriac). C'est comme si la prose de Tibor Déry brisait «le mur de briques» en nous, comme s'il écrivait avec un bulldozer d'une délicatesse aussi infinie que l'efficacité. «Ça ne peut plus durer, dit-il. Ça ne peut plus durer. Il faut vraiment qu'on se mette dans le crâne que ça ne peut plus durer», lit-on dans le premier texte qui donne son titre au recueil. Car le mur est bien réel, qui entoure l'usine où il ne suffit pourtant pas à empêcher le vol du matériel qu'on jette par-dessus. Et les murs qui enferment des prisonniers dans deux autres nouvelles sont tout aussi concrets. Mais chacun édifie aussi son propre mur en soi et ça non plus, «ça ne peut plus durer», et Derrière les briques raconte sept tentatives pour enfin l'abattre, et parfois il n'y a que la mort pour empêcher que ça s'éternise, et parfois il y a la vie.
L'an dernier, Circé a publié Niki, un bref et magnifique roman de Tibor