La guerre est une seconde jeunesse, celle qui prend la place de l'autre. Elle a lieu quand on l'attend, quand on s'en souvient. William Styron a 20 ans quand il part au Japon dans les Marines, en 1945. Sa division attend, mijote, fait diversion. Elle échappe aux boucheries d'Iwo Jima et d'Okinawa. On la met en réserve sur une autre île. Styron lit en douce une Anthologie de la poésie : c'est l'ancre de sa miséricorde. Il sait qu'il n'échappera pas à la boucherie suivante, l'invasion du Japon. L'enthousiasme de certains camarades lui fait honte, car il a peur : «Les massacres du passé récent n'étaient pour moi qu'un avant-goût de ce qui s'annonçait, et le triste destin de tous les garçons terrifiés que nous avions vu partir sans émettre une plainte me semblait annoncer le mien.» Deux bombes atomiques - doit-on dire : heureusement ? - l'empêchent de s'accomplir. Styron rentre intact d'une guerre qu'il a subie de près, de loin. Il l'a vécue au cœur, mais en périphérie. Il devient écrivain.
Pipe en épi de maïs. Six ans plus tard, ayant achevé son premier roman, il est rappelé pour la guerre de Corée. L'entraînement avant la nouvelle boucherie a lieu en Caroline. Comme tant d'autres, il a cette fois le sentiment qu'on lui vole sa vie d'homme, que cette nouvelle guerre est un scandale de trop. Un jour, le général MacArthur rend visite aux troufions : «Assis dans une Cadillac décapotable escortée par des rangées de motards, le casque légèrement