Chaque chapitre d'Aisthesis, le nouvel essai de Jacques Rancière, commence par un texte critique. Tantôt plus canonique, avec Winckelmann à propos du torse du Belvédère, tantôt beaucoup moins : ainsi quand Théodore de Banville étudie les frères Hanlon Lees, stars du mime autour de 1879. Il y a aussi : Mallarmé écrivant sur la Loïe Fuller, Maeterlinck sur le Solness d'Ibsen, le dossier de presse de la Sixième Partie du monde de Dziga Vertov (1926), etc. Quatorze «scènes» que Jacques Rancière explore dans ce livre majeur, fourmillant, où l'on apprend à chaque page (par exemple, à faire tenir des enfants-oiseaux sur le dos d'un hippopotame ; ou, plus difficile, comment passer d'un vase de Gallé à Die Glückliche Hand de Schonberg) et qui déroule une pensée politique toujours aussi décapante. L'auteur nous recevait chez lui la semaine dernière pour commenter son essai.
Alors que la «fin de l'esthétique» a été proclamée depuis longtemps par la philosophie analytique, vous publiez un essai baptisé Aisthesis...
Il y a certes une critique de l'esthétique, depuis un certain nombre d'années, et pas seulement chez les analytiques, mais aussi chez d'autres philosophes, comme Alain Badiou.
L'esthétique serait en effet un discours parasite de la philosophie sur les pratiques des arts. Si l'on est philosophe analytique, on prouve toujours que ce parasitage est le fait de gens qui ne connaissent rien à la pratique, rien au langage, r