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Libération

Euro, l’heure des comptes

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publié le 19 novembre 2011 à 0h00

«La monnaie n'appartient pas au prince, mais à la communauté», avait affirmé au XIVe siècle le génial éclaireur et philosophe français Nicolas Oresme. C'est cette ancienne vérité que les Européens redécouvrent en pleine crise existentielle de l'euro. Quels liens, quelle solidarité unissent les peuples qui se donnent une monnaie en partage ? Dans le Réveil des démons, l'essai lumineux de Jean Pisani-Ferry sur la crise de la monnaie unique, c'est l'imprévoyance autant que l'insouciance des géniteurs de l'euro qui frappent d'abord l'esprit.

La question cruciale est certes dans les têtes, mais chacun l'élude, préférant communier dans la dernière utopie d'un siècle finissant. «Comme dans toute bonne tragédie, ni la prescience du destin, ni la volonté de la conjurer n'ont arrêté l'inexorable», écrit l'ancien économiste de DSK à Bercy, qui dirige, depuis, le think tank européen Bruegel. Pour Helmut Kohl et les dirigeants allemands, instruits par l'histoire, la monnaie est bien plus qu'un instrument ; elle doit être «ancrée dans une communauté», fondée sur la confiance, et ne peut donc s'envisager hors d'une «union politique», même s'ils peinent à en dessiner les contours. De leur côté, les Français soupçonnent leurs voisins de vouloir dissoudre les Etats unitaires au sein d'une vaste fédération européenne. On en restera donc là. Chacun est renvoyé à sa solitude nationale, sans qu'aucune solidarité soit imaginée.

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