En Amérique, l'échec est un destin. C'est pourquoi les vies ratées font des romans réussis. Richard Yates, mort en 1992 à 66 ans, était un maître du genre. La Fenêtre panoramique et Easter Parade ont imposé son style et sa réputation. Un été à Cold Spring, publié en 1986, est son dernier roman. Il n'a jamais fini le suivant, Temps incertains. La mère de Yates était divorcée, itinérante, alcoolique, dépressive. Dans Un été à Cold Spring, les mères sont des drames plus ou moins ambulants. Rachel finit par trouver que la sienne sent «un peu la tomate pourrie», «ou plutôt la mayonnaise rance» :«Tout en s'écoutant parler, Rachel prenait peu à peu conscience qu'il y avait quelque chose d'universel dans le plaisir qu'elle prenait à dénigrer sa mère.» Les deux femmes vivent avec le frère cadet dans une maison humide.
Le roman débute en 1944, à Long Island. Charles Shepard est un militaire en retraite qui a traîné de base en base. C'est aussi un homme marié à une femme qui apparaît à peine plus que Madame Columbo, parce qu'elle ne veut voir personne. Grace est une grosse beauté malade, alcoolique, qui lui dit : «Tu ne me ferais pas la leçon de cette manière, Charles, si tu avais une idée de ma pression sanguine.»
Tympans perforés. Il voudrait reprendre du service en guerre pour avoir une chance de vie - ou de mort - héroïque (Yates, lui, s'est battu en Europe à 19 ans). Mais sa vu