Cent quarante petites pages, à raison de deux ou trois vignettes par page, en noir et blanc. Souvent dialoguées (un mot, ou deux), quelquefois silencieuses.
Dire d'abord : c'est le côté sombre de Bastien Vivès, celui de ses blogs, avec des pères barbus en ogres. Il faut se méfier des velus chez Vivès, les Requins Marteaux l'ont compris qui, à la fin de ces Melons de la colère, ont collé une pub pour son Polina, paru en mars chez Casterman, avec cette accroche : «Enfin un livre pour les vrais bédophiles». Pas à prendre plus au sérieux, cependant, que l'exergue du livre : «"Je me mettrais bien un saucisson dans le cul." Honoré de Balzac»
Ô solitude. Ton nom est Vivès. On ne rit pas nettement, ni ricane, avec cet opuscule absurdo-érotique. On pense à Georges Bataille. Pour ceux qui seraient nés après 1980, rappelons que Bataille est le zélateur d'un concept fou : il y aurait de la souffrance dans la jouissance et vice versa. Voir la gueule de la sainte Thérèse du Bernin en extase, on dirait qu'on la coupe en cent morceaux. Voir (mais là c'est plutôt freudien) ce que les mères disent à leur bébés : «Je vais te manger». Plût au ciel.
Donc ça commence sur une souffrance dont on se moque. Dans une ferme sans date ni lieu, la fille de la famille souffre d’hypertrophie mammaire (avec des taches de rousseur dessus). Elle voudrait qu’on la soulage. Le père refuse de l’emmener à la ville voir les médecins, dont il se méfie, comme des citadins. S