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Critique

L’empire du Milieu urbain

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Comment, trois siècles durant, la dynastie Qing modela la capitale chinoise
publié le 1er décembre 2011 à 0h00

Max Weber voyait dans la ville chinoise le lieu par excellence du pouvoir étatique. Le fait est que l'idée d'autonomie citadine, si présente dans l'Occident médiéval, est étrangère à l'histoire de l'empire du Milieu. Si Louis XIV, méfiant à l'égard de sa capitale, a placé le centre de son pouvoir à l'extérieur de Paris, les empereurs chinois ont toujours résidé au cœur de Pékin, au sein de la Cité interdite. La fameuse «Carte complète de la capitale» commandée par l'empereur Qianlong en 1745, exceptionnelle par sa taille (plus de 180 m²) et l'attention portée aux plus menus détails, témoigne de cette osmose puisqu'elle avait d'abord pour objectif, explique Luca Gabbiani, de donner à l'empereur «une image grandiose de la première de ses possessions».

Ségrégation. Pékin était donc le symbole du pouvoir impérial depuis qu'elle est devenue, de façon définitive au début du XVe siècle, la capitale de l'empire. La conquête mandchoue et l'instauration de la dynastie des Qing (1644-1911) modifièrent en profondeur sa population, avec l'installation en ville de 500 000 conquérants. Surtout, le nouvel empereur divisa la capitale en deux parties, la ville intérieure (comprenant la Cité interdite) au nord et la ville extérieure au sud. La première était réservée aux seuls conquérants (les Mandchous et les Mongols avec leurs alliés chinois), la seconde était occupée par la population chinoise. Cette mesure de ségrégation était à l'image de la politique m