Ne pas se fier aux yeux de biche de Samuel Fosso, bien moins dupe qu’il n’y paraît, et assez lucide pour maîtriser son destin. Qui bascula un jour de 1994, quand Bernard Descamps, en quête de photographes pour les premières Rencontres de Bamako, au Mali, s’arrêta dans son studio de Bangui, en République centrafricaine.
Quelques mois plus tard, l'on découvrait les autoportraits de ce jeune Ibo, né le 17 juillet 1962 à Kumba au Cameroun, s'exerçant au rite de la pose en solitaire, entre imitation et autocélébration, pour finir les pellicules entamées pour ses clients. Pourquoi lui ? Parce qu'il s'estime naturellement beau, «le nez élancé, le visage mince et souriant. Une personne qui ne sourit jamais a toujours l'air d'un chien méchant. Je suis bien conçu, pas trop grand, une taille de guêpe et des petits pieds, je chausse du 39».
Beau, donc, mais aussi doué d'une tendre ironie, reflet d'une vie rude qui le vit, lors de la guerre du Biafra, se réfugier dans la forêt pour échapper à l'armée nigériane. Et ouvrir son studio, en 1975, à 13 ans - l'Afrique n'accorde pas d'adolescence à perpétuité -, ennobli par ce slogan : «Vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître.»
Conforté par son succès, aussi bien auprès du public que des collectionneurs, Samuel Fosso a pu, au fur et à mesure, commenter son propre travail. Celui de ses débuts, au stade du miroir, minet en pattes d’éléphant ou slip kangourou ; puis, plus mature, celui réalisé en hommage à la mémoire