Dès ma plus tendre enfance, j’ai, je m’en souviens, éprouvé une certaine crainte envers les représentants du pouvoir. Cela s’était déclaré, déjà, au contact des premiers administratifs tombés sur mon chemin : le directeur de mon école, à Kharkov, le chef de la milice locale, où l’on me traînait, gamin voyou, pour divers larcins, réels ou fictifs. Telle est peut-être la raison pour laquelle je me suis choisi pour première profession la plus libérale d’entre elles : voleur. Ultérieurement, ayant pris de l’âge et du plomb dans la cervelle, devenu déménageur, puis monteur sur un chantier, sidérurgiste, j’essayais d’éviter les administratifs et éprouvais une grande souffrance s’il m’advenait de me retrouver dans le bureau d’un «chef».
Mes rapports avec les êtres investis d’aucune responsabilité particulière se sont en revanche établis sans peine, au gré de l’amitié. Telle est, j’en suis persuadé, la plus juste gouverne pour les relations humaines. Toujours souffrant du commerce obligé avec les autorités, je m’inventais une nouvelle profession libérale. A 21 ans, je devenais tailleur à domicile. A l’époque, hélas, la retraite en sa coquille tombait sous le coup de la loi soviétique. A 23 ans, j’ai creusé encore un peu le fossé qui me séparait du collectif des hommes commandés par les administratifs et armé de ma machine à coudre, j’ai débarqué à Moscou. Je désirais nouer des contacts de travail avec des outsiders de mon espèce, les membres du groupe des poètes non officiels, la PJS