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Critique

Les rênes du monde

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En 10 leçons et autant de réponses, le philosophe Pierre-Henri Tavoillot interroge l’extrême difficulté du gouvernement démocratique
publié le 8 décembre 2011 à 0h00

Dans la Société ouverte et ses ennemis, Karl Popper note que la question fondatrice de la pensée politique, telle que Platon l'a posée - à savoir : «Qui doit gouverner ?» -, est une question fourvoyante et stérile. En effet, dit-il, une fois qu'on l'a formulée de la sorte, on ne peut éviter de répondre : «les meilleurs», «les plus savants», «les plus avisés», «les plus forts», etc. Car nul ne souhaiterait un gouvernement des pires, des plus faibles, des ignares, des écervelés. Aussi proposait-il de la remplacer par celle-ci : «Comment organiser le fonctionnement des institutions politiques afin de limiter autant que faire se peut l'action nuisible de dirigeants mauvais ou incompétents ?» On ne peut pas dire que la révision voulue par le penseur viennois a connu un grand succès.

Légitimité. «Qui doit gouverner?» reste l'interrogation basilaire de la politique, ne serait-ce que parce qu'elle se réactive à chaque fois que les citoyens sont appelés à voter. On pourrait même ajouter que la façon dont Platon la résolvait, qui peut paraître surannée, retrouve une nouvelle jeunesse. Il proposait en effet que, détenteurs du savoir, de la vérité, les philosophes tiennent les rênes de la Cité. De cela, on sait les dangers : quand on gouverne au nom de la vérité, on s'autorise à neutraliser ou éliminer tous ceux qu'on estime être dans l'erreur.

Or, de nos jours, les problèmes que doivent affronter les gouvernants, relatifs, par exemple,