Aragon à 20 ans ? Un pur-sang. Tout le fouette. Il en souffre, il aime ça. Il a tout lu, il faut tout changer, voici le programme : «Des modèles. Simplement ? Nous ambitionnons plus haut. Les modèles finissent par devenir des raisons d'être. Et il ne faut pas. Tâche d'écrire sans penser à Rimbaud, pour voir. Tu comprendras le danger. Il n'y a qu'un homme que nous n'avons jamais imité ni l'un ni l'autre : c'est Reverdy. En aurais-tu envie ? Moi pas. Il faut repartir. Mais pas tellement de l'horizon des autres. Du nôtre.» (Paris, 24 mai 1918).
Le pur-sang est insolent et soumis ; il est amoureux : «Il y a en moi quelque méchanceté nerveuse. J'ai BESOIN d'éprouver ton amitié. Et tu ne réponds pas à mes lettres, il y a trop de temps entre nous. ALORS je voudrais te BATTRE comme on fait les femmes rebelles.» (Vémars, 14 septembre 1918). Ou : «Si tu n'as rien me dire pense que je suis la plus belle femme du monde et écris-moi.» (Fort-Louis, décembre 1918.) A qui s'adresse-t-il ? A André Breton.
Lyrisme sec. Ces lettres, inédites et annotées avec le soin propre à Lionel Follet, sont l'atelier d'un génie qui se cherche par son plus intime ami, à l'orée du bois surréaliste. Rimbaud, Larbaud, Valéry, Apollinaire sont partout. Ce ne sont pas des citations, mais le sang même du poète. Il se révolte, il bout : «Il n'y a pas assez de mépris sur la Terre pour ceux qui singent la pureté avec des doigts merdeux.»(Oberhofen, 27 janvier 1919.)
Aragon et