Par un heureux paradoxe en ces temps de méfiance persistante entre Paris et Tunis, c’est un éditeur tunisien qui a pressé un ancien ambassadeur de France de livrer au plus vite son témoignage. Un passionnant document publié cette semaine en Tunisie et qui apporte un éclairage inédit sur les relations tumultueuses entre les deux pays.
Arabisant, fort d’une expérience sans égale tant au Maghreb qu’au Machrek, Yves Aubin de la Messuzière a passé l’essentiel de sa carrière à Amman, au Caire, à Bagdad, à Tunis ou encore au Quai d’Orsay, où il a dirigé le département Afrique du Nord et Moyen-Orient. Au lecteur tunisien, ce témoignage permet de rappeler d’abord que la France officielle ne fut pas unanime dans sa complaisance envers le régime policier et corrompu de Ben Ali. Cet ambassadeur singulier - en poste entre 2002 et 2005 - a mis une énergie sans pareille pour ouvrir la chancellerie à tous les pans de la société civile et nouer des contacts suivis avec des artistes, des militants associatifs, des femmes engagées, tous malmenés, à des degrés divers, par le régime.
On découvre les aléas du travail quotidien d’une ambassade qui ne s’en laisse pas compter au pays de Ben Ali, la gamme sophistiquée des pressions, la surveillance policière constante, le fichage systématique des invités, les intimidations à répétition… Jusqu’au passage à tabac par les nervis du régime du propre gendre de l’ambassadeur un mois après son départ de Tunis.
On mesure aussi combien l'aide française et europé